Bulle primitive.
À l’époque d’Internet, les start-up étaient des enfants mutants,
porteuses d’un avenir bricolé à la va-vite —
sauf les télécoms, déjà nécrosés,
déjà lourds de dette, déjà dans la morgue des infrastructures.
Aujourd’hui, ce n’est plus une bulle.
C’est un organe.
Un organe monstrueux greffé sur le capital global.
Dans la bulle IA,
les géants ne financent pas :
ils incarnent.
Ils sont à la fois le prêtre, la machine et la victime sacrificielle.
Ils ne parient plus sur l’avenir,
ils l’aspirent.
Les besoins financiers ne croissent pas.
Ils explosent.
Ils perforent la réalité comptable.
L’IA n’est pas un secteur,
c’est une centrale nucléaire de calcul
branchée directement sur le crédit.
Les anciens réseaux,
les câbles, les antennes, les routes numériques —
tout cela paraît aujourd’hui
comme de la petite monnaie historique,
de la ferraille d’un autre siècle.
Le gouffre, c’est le calcul.
Le calcul pur.
La capacité brute.
Des fermes de silicium
où l’électricité est transmutée en prophéties probabilistes.
Morgan Stanley parle :
trois mille milliards de dollars
pour ériger les cathédrales de données
avant 2028.
Trois mille milliards
pour nourrir des modèles
qui n’ont pas faim
mais exigent tout.
Même les dieux technologiques
ne peuvent plus payer seuls.
Leur trésorerie se fissure.
Le mythe de l’autofinancement
s’évapore.
Alors on emprunte.
On hypothèque le futur.
On empile la dette comme du béton armé.
Meta, autrefois vierge de crédit,
descend dans la boue obligataire.
Hyperion, Louisiane —
nom de titan,
fondations de dette.
26 milliards à crédit,
six milliards de sang propre,
le reste prêté par Blue Owl,
rapace discret du capital patient.
Et plus bas dans la chaîne alimentaire,
c’est l’hystérie pure.
Deuxième rang.
Troisième rang.
Petites structures,
effectifs lilliputiens,
dettes titanesques.
Fluidstack,
dix employés,
dix milliards empruntés.
Macquarie fournit la morphine.
Les puces IA servent de collatéral,
des cerveaux empaquetés
comme lingots de garantie.
Voilà la vérité nécro-économique :
l’IA ne crée pas de richesse,
elle convertit le crédit en puissance de calcul
et la dette en hallucination stratégique.
La bulle Internet promettait un monde.
La bulle IA promet seulement
de tenir encore un peu
avant l’effondrement thermique du capital.
Ce n’est plus une innovation.
C’est un rite de survie.
Un dernier tour de vis
avant que la machine
ne commence à manger
ses propres prêteurs.