« Les hommes travaillent généralement trop pour pouvoir encore rester eux-mêmes. Le travail : une malédiction que l'homme a transformée en volupté. Oeuvrer de toutes ses forces pour le seul amour du travail, tirer de la joie d'un effort qui ne mène qu'à des accomplissements sans valeur, estimer qu'on ne peut se réaliser autrement que par le labeur incessant — voilà une chose révoltante et incompréhensible. Le travail permanent et soutenu abrutit, banalise et rend impersonnel. Le centre d'intérêt de l'individu se déplace de son milieu subjectif vers une fade objectivité ; l'homme se désintéresse alors de son propre destin, de son évolution intérieure, pour s'attacher à n'importe quoi : l'œuvre véritable, qui devrait être une activité de permanente transfiguration, est devenue un moyen d'extériorisation qui lui fait quitter l'intime de son être. Il est significatif que le travail en soit venu à désigner une activité
purement extérieure : aussi l'homme ne s'y réalise-t-il pas — il réalise. »
Cioran dans "Sur les cimes du désespoir"
-
-
Ego trip : la googlelisation
Au sortir d’un rendez-vous Bizz, mon ami Benoît 3D, (Dandy Data Designer) me fit cette réflexion empreinte de modernité :
« Dés que l’on va être dehors, il va nous googleliser. »
C’est désormais l’usage, après les entretiens avec des personnes inconnues : de réponses polies en silences dilatoires, une fois la porte franchie, on se fait sauvagement googleliser, là où l’homme de goût du siècle précédent nous prenait, avec nos arguments, debout et contre le mur.
la googlelisation se pratique seul, par derrière, et en l’absence du partenaire.
Ce qui pourrait rendre acrobatique la situation si il ne s’agissait que d’écrire un nom et d’appuyer sur un bouton…C’est le check au porteur de news.
N’avez vous à ce point rien fait de si remarquable ou admirable durant vos études ou votre vie professionnelle pour ne pas être googleliser ?
Dans ce cas, quelle est votre valeur ajoutée ? est la question à laquelle il va vous falloir répondre.
Be a star for one dollar hurle la jeunesse, pas encore réconciliée avec la valeur travail, et qui n’envisage d’autre issue que de devenir Pop/Porn/ star.
Dernier né des ego trip plus fort qu'un tatouage ou un piercing, car irréversible, se faire googlelisé puis wikipedié est une façon de se survivre, de transformer sa vie en data en signe de non appartenance à la terre.
C’est aussi dans une économie de marché biométrique dont les deux mamelles sont consommer et contrôler, accepter de laisser une empreinte gravée dans le marbre électronique, susceptible de venir alimenter les bases de données policières si l’on en croit la nouvelle loi liberticide, mise en stand by durant les élections, qui vise à conserver systématiquement la trace sur l’Internet français de tous contenu mis en ligne, modifié et même supprimé.
L’économie de marché biométrique est en marche et la googlelisation son imam et son génome.
-
Marques révolutionnaires ou Révolution des Marques...?
Les récentes émeutes de Gare du Nord donnent lieu à des commentaires où il s’agit de déterminer si nous sommes en présence d’une révolte sociale ou d’actes de délinquance.
Ce fut encore le cas, dimanche, à l'émission Riposte de Serge Moati, où le représentant d'un syndicat de police nous indiqua que nous étions en présence de délinquants puisqu’il y avait eu pillage d’un magasin de chaussures.
Petit rappel historique de la chaussure et des révoltes sociales chez les tribus :
Teddy Boy et Rocker : Creepers et Santiag
Punk et skinhead : Rangers et Doc Martens (initialement chaussures des ouvriers).
Après la chute des idéologies , dans un monde bouleversé par la mondialisation, le consumérisme est soudain apparu triomphant.
Reportons nous à l’excellente définition de Wikipedia :
le consumérisme désigne l’épistémè associé à la société de consommation. Il s’agit d’une idéologie où la consommation de biens revêt une importance capitale. Il ne s’agit pas vraiment d’une idéologie au sens politique, clairement identifiée et s'opposant à d'autres (comme le communisme a pu l'être, par exemple), mais bien plutôt d’une idéologie économique, sans figure centrale et donc plus subtile ou insidieuse (selon que l'on est pour ou contre). Cette acception de consumérisme est largement rattachée à la notion de post-modernité.
Le consumérisme est par métonymie appelé société de consommation et en tant que tel violemment critiqué depuis la fin du XXe siècle, que ce soit par les mouvements écologistes ou par les « anti-pubs.
Le Hip Hop, et la révolution culturelle, qui en suivit, est le premier exemple d’une révolution consumériste orientée pouvoir des marques.
Il n'avait jamais existé a ce jour de révolution culturelle et musicale aussi profitable pour les marques sans qu’elles aient pour la plupart, hors sponsoriser les leaders, à communiquer réellement avec ce segment.
Les rappeurs sont la première génération d’artistes "post idéologies" à
savoir moneytiser leur talent et leur image, car ils perçoivent la moneytisation comme la garantie de leur indépendance. Les marques vont donc accompagnées la révolution sans que personne n’y trouve à redire :
Public Enemy Adidas
Joey starr : Nike
Passi : Reebok
Dans ma France à moi, Diams définit la jeunesse comme suit :
« elle vit à l’heure américaine KFC, MTV base, Foot Locker, MacDo »
"Les marques sont omniprésentes dans notre culture..." remarque MC Solaar.
Stomy Bugsy, Arsenik et Gyneco partage avec Sarkosy l’amour de Lacoste la marque au crocodile..
Tout le monde se souvient de Joey Starr, invité du monde de Léa de Paul Amar sur France 2 qui avait refusé de se débarrasser de son bandeau Ellesse.
le lendemain de l’émission, 50 000 bandeaux furent produits en urgence et la marque décolla dans les années qui suivirent....
C’est toute la difficulté d'Olivier Besancenot (fonctionnaire révolutionnaire), hostile à la société de consommation, de porter un message dans des territoires de marques extrêmement fort comme le sont les banlieues.
Sous cet angle, il est donc légitime que l’expression d’une révolte sociale se solde par un pillage de magasin de chaussures.
En cela nous pouvons considérer que nous avons assisté à la Gare du nord à une émeute consumériste révolutionnaire.