Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sous le règne du Biopolitique

Le dispositif immunitaire — cette exigence d’exemption et de protection —, lié à l’origine au domaine médical et juridique, s’est progressivement étendu à tous les secteurs et à tous les types de discours de notre vie, jusqu’à devenir le point de fixation, réel et symbolique, de l’expérience contemporaine. Toute société a certes exprimé une exigence d'autoprotection, toute collectivité a formulé une question de fond sur la conservation de la vie, mais j’ai l’impression que c’est seulement aujourd’hui, à la fin de l’époque moderne, que cette exigence est devenue le pivot autour duquel se construit soit la pratique effective, soit l’imaginaire, de toute une civilisation. Pour s’en faire une première idée, il suffit d’observer le rôle que l’immunologie — c'est-à-dire la science consacrée à l’étude et au renforcement de systèmes immunitaires — a joué non seulement au niveau médical, mais aussi social, juridique, éthique. Pensons seulement à ce qu’a signifié la découverte du syndrome d'immunodéficience du Sida en termes de normalisation — c’est-à-dire d’assujettissement à des normes précises et pas seulement hygiénico-sanitaires — de l’expérience individuelle et collective, aux barrières, non seulement prophylactiques mais socioculturelles, que le cauchemar de la maladie a élevées dans la sphère de tous les rapports interpersonnels. Passer du domaine des maladies infectieuses au domaine social de l’immigration nous en donne une première confirmation : qu’un flux migratoire en augmentation soit considéré, complètement hors de propos, comme un des dangers majeurs que courent nos sociétés, est une indication, dans ce domaine-là, du rôle central que joue la question immunitaire. De nouvelles barrières, de nouveaux points de blocage, de nouvelles lignes de séparation par rapport à ce qui menace, ou paraît menacer, notre identité biologique, sociale, environnementale, surgissent de partout.

qu’est-ce qui distingue, après tout la volonté immunologique d’un Marc-Aurèle, quand il désire fortifier son âme au point d’en faire une « forteresse », de celle de l’individu moderne essayant de se constituer, pour reprendre un concept de Peter Sloterdijk, une « bulle » subjective ? Ceci, que le premier ne devra compter que sur lui-même, là où le second est l’effet d’une construction politique. Le stoïcien pariait bien plus sur le cosmos que sur la polis.

Les commentaires sont fermés.