Rubriques Livres du 3em millénaire
Charles Antoni, Jean-Pierre Crépin
Crise et mutation
Constat d'un monde occidental en errance et en déshérence auquel les auteurs se livrent avec une certaine rudesse, mais aussi avec jouissance. Jouissance ? Celle de pouvoir livrer sa pensée sans retenue. Il semble bien, à la lecture, que rien n'est à garder du système actuel ! De lettre en lettre, de réponse en réponse, l'écheveau se dénoue, et la réalité du monde « moderne » se délite ! La démocratie ? Elle se résume à un mot d'ordre : faut pas froisser les marchés financiers. La finance ? Nous savons maintenant où peut nous mener le « trader cocaïnomane » survitaminé aux bonus, jonglant du matin au soir avec des millions virtuels, qui, chose extraordinaire, finissent par retomber dans la réalité en créant des dizaines de millions de chômeurs et de sans abris aux quatre coins du monde. Le capitalisme ? « L'entreprise est faite pour créer des richesses, pas des emplois. Les salariés ne sont qu'une variable d'ajustement. » La mondialisation ? Véritable machine à détruire la nature et les humains pour enrichir quelques milliers d'êtres dont l'égo est atteint d'une inimaginable boulimie inflationniste. Somme toute, une machine à tuer. Ce ne sont pas les derniers grands singes, tigres, ou lions qui nous contredirons. Notre mode de vie ? Travailler pour consommer. Le travail ? Ils citent Cioran : « le travail permanent et soutenu abrutit, banalise et rend impersonnel [...] l'homme se désintéresse de son évolution intérieure, pour s'attacher à n'importe quoi ». Ainsi, quel constat ? « Désenchantement du monde, où l'on voit le désert s'accroître »... Quelle solution face à ce déluge de désillusions ? Peut-être réaliser la profondeur de notre enfoncement dans une horizontalité aliénante ancrée dans l'identification à des désirs, des peurs, de faux besoins, des associations de pensée infusés par les médias. Voir cela s'inscrire en nous. Constater que passant devant une publicité, notre œil s'y attache, qu'une envie s'y colle, qu'un choc nous touche au ventre, que mécaniquement le slogan se répète dans notre tête, comme un métronome, pendant quelques pas, qu'une chansonnette publicitaire paraît indélogeable de notre cerveau... Quelle solution à part s'arrêter ? Retrouver le chemin de la verticalité : « L'instant présent est tout ce qui nous reste »... Le lecteur retrouvera Charles Antoni dans le numéro 94 de la Revue qui fut entièrement consacré à la crise, sous ses versants intérieur et extérieur (est-il possible de séparer les deux ?).