L’ancienne colombe allemande Isabel Schnabel a remplacé Lagarde lors de la réunion de la Fed, promettant des étapes forcées sur les taux. Un « licenciement » de facto qui prépare la grande réorganisation
Le message que l’ancienne colombe allemande - qui s’est transformée en faucon post-pandémique pour le compte de la Bundesbank en mode Weimar - a livré du Wyoming aux marchés: récession ou non, la tendance à l’inflation est d’une telle gravité que des interventions drastiques sont nécessaires. Et douloureux.
Bref, si le marché a mal réagi au message particulièrement belliciste de Jerome Powell, voici que la remplaçante par intérim de Christine Lagarde semble avoir voulu mettre tout le monde en alerte deux semaines à l’avance : les tendances de l’inflation durant l’été se sont aggravées, il faut donc avancer vite. Et cette hausse des prix à la production en Allemagne d’une année sur l’autre a fait bondir beaucoup de gens à Berlin.
Le chef de la Fed, y a mis son visage vendredi dernier : sans périphrasie, il a déclaré à Main Street et Wall Street, pour une fois unis par un destin identique, que l’avenir à venir est un avenir de douleur, un composé mortel d’inflation élevée, de hausse du coût de l’argent et d’une économie de plus en plus tendue. Quand à Lagarde, elle a brillé par son absence.Elle, titulaire de la chaire de banquier central à la BCE, il faut plutôt l’imaginer le soir : enveloppée dans un châle en cachemire (avec l’âge et la climatisation le col de l’utérus se cache toujours), langoureusement allongée sur une dormeuse, sirote un Connemara tandis qu’elle se laisse envelopper par la circularité lacoonétique de la prose joycienne, subissant le charme des onomatopées et de la ponctuation sanglotante.
« Je relis Joyce »,(l'auteur d'Ulysse) avoue candidement Christine à Madame Figaro, un magazine sur papier glacé avec toute l’actualité pour les femmes, les tendances de la mode, la beauté, les bijoux, les mariages, les décorations qui en première page tire un titre (« Sans couple, sans enfants, sans privation: ils ont fait du célibat leur mode de vie ») Mais, après tout, un peu d’exposition glamour ne fait pas de mal pour ceux qui sont présentés comme « un funambule à haute altitude ». Oui : pendant un certain temps, nous soupçonnions que Madame la BCE était en équilibre précaire et sans filet de sécurité. Il est donc juste que même au grenier de l’Eurotower avec vue sur le Main nous fassions une pause et ne manquions pas l’élan - nous oserions dire une urgence existentielle - vers des lectures à la recherche de toxines pour voler haut, loin de l’usure de la vie (post)moderne ponctuée de factures folles. À quelle distance se trouve Jackson Hole, si ennuyeux qu’il ne mérite pas la semelle de ses chaussures ???
Il faut la comprendre, pauvre Lagarde, forcée par contrat de vivre son Odyssée personnelle naviguant - sans rien comprendre - dans la mer orageuse procellose du coût de la vie. Cette sirène malveillante qu’elle, Ulysse en costume Chanel, n’a pas voulu entendre pendant des mois. Ce sera - a-t-elle dit - comme une averse printanière. Pourtant, nous sommes ici, de plus en plus trempés. Et, comme Mark Twain l’a averti, la BCE a également enlevé notre parapluie pendant qu’il grêle.