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Crise et Mutation - Page 135

  • Je suis un déchet et j'aime ça

    La production de « rebut humain », ou plus exactement d’humains mis au rebut « en surnombre » et « redondants », c’est-à-dire la population de ceux qui ne pouvaient pas (ou que l’on ne souhaitait pas reconnaître ou autoriser à) rester est un résultat inévitable de la modernisation. C’est un corollaire incontournable de la construction de l’ordre  (chaque ordre rejette une certaine partie de la population existante comme étant « incapable », « pas à sa place » ou « indésirable ») et du progrès économique qui ne peut procéder sans dégrader et dévaluer les possibilités, autrefois efficaces, de « gagner sa vie » et par conséquent ne peut que priver ceux qui les utilisaient comme moyens de subsistance.

    La nature non régulée, élémentaire et politiquement incontrôlée des processus de globalisation a eu pour résultat la pandémie. Une grande partie de la capacité de pouvoir jadis logée dans les États modernes souverains a été transférée. D’où le sentiment d’alarme à propos de la détérioration de la sécurité, ce qui amplifie les causes déjà abondantes de « peurs sécuritaires » tout en déplaçant simultanément les problèmes publics et les issues à l’anxiété individuelle, vers les racines sociales et économiques de ces difficultés et vers des questions de sécurité sanitaire personnelle. À son tour, le bioplotique se développant devient rapidement l’une des branches principales de la production de rebut et le facteur qui revêt la plus haute importance dans le problème de mise au rebut.

    En cela le coronavirus est l’allié objectif du capital.

  • Sous le règne du Biopolitique

    Le dispositif immunitaire — cette exigence d’exemption et de protection —, lié à l’origine au domaine médical et juridique, s’est progressivement étendu à tous les secteurs et à tous les types de discours de notre vie, jusqu’à devenir le point de fixation, réel et symbolique, de l’expérience contemporaine. Toute société a certes exprimé une exigence d'autoprotection, toute collectivité a formulé une question de fond sur la conservation de la vie, mais j’ai l’impression que c’est seulement aujourd’hui, à la fin de l’époque moderne, que cette exigence est devenue le pivot autour duquel se construit soit la pratique effective, soit l’imaginaire, de toute une civilisation. Pour s’en faire une première idée, il suffit d’observer le rôle que l’immunologie — c'est-à-dire la science consacrée à l’étude et au renforcement de systèmes immunitaires — a joué non seulement au niveau médical, mais aussi social, juridique, éthique. Pensons seulement à ce qu’a signifié la découverte du syndrome d'immunodéficience du Sida en termes de normalisation — c’est-à-dire d’assujettissement à des normes précises et pas seulement hygiénico-sanitaires — de l’expérience individuelle et collective, aux barrières, non seulement prophylactiques mais socioculturelles, que le cauchemar de la maladie a élevées dans la sphère de tous les rapports interpersonnels. Passer du domaine des maladies infectieuses au domaine social de l’immigration nous en donne une première confirmation : qu’un flux migratoire en augmentation soit considéré, complètement hors de propos, comme un des dangers majeurs que courent nos sociétés, est une indication, dans ce domaine-là, du rôle central que joue la question immunitaire. De nouvelles barrières, de nouveaux points de blocage, de nouvelles lignes de séparation par rapport à ce qui menace, ou paraît menacer, notre identité biologique, sociale, environnementale, surgissent de partout.

    qu’est-ce qui distingue, après tout la volonté immunologique d’un Marc-Aurèle, quand il désire fortifier son âme au point d’en faire une « forteresse », de celle de l’individu moderne essayant de se constituer, pour reprendre un concept de Peter Sloterdijk, une « bulle » subjective ? Ceci, que le premier ne devra compter que sur lui-même, là où le second est l’effet d’une construction politique. Le stoïcien pariait bien plus sur le cosmos que sur la polis.

  • L'humeur nécronomique du jour


    L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

    Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

    En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

    L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »

    Günther Anders, "L’Obsolescence de l’homme", 1956

    J'ajouterai que dans le contexte actuel où l'on voit poindre le discours " ce qu'il faudrait, c'est une bonne dictature pendant six mois (pourquoi six mois ?) pour remettre de l'ordre", ce que Todd appelle le macron lepénisme, les miasmes nauséabonds ne doivent rien à la pollution mais à la décomposition du corps social. L'intelligence collective ? Provoquer l'imbécile qui sommeille chez tout honnête citoyen est un jeu d'enfant. Ils portent tous leurs indignations garanties conformes en bandoulière. Ce qu'ils ne comprennent pas les heurte, les choque. Pour un peu, ils en appelleraient à une répression. Ils ne l'avoueront jamais mais ils jalousent ces pays non corrompus par les confitures d'humanisme où se pratiquent la lapidation. Les buchers de la sainte inquisition se consument encore dans les cervelles occidentales. . Les citoyens sous tutelle technocratique des élites responsables sont ravis sur le fond. Le troupeau veut savoir où il doit paître. Le pire, le plus angoissant pour des hommes est d'avoir à décider de leur destin. L'abattoir ne leur fait pas peur à conditions qu'ils y aillent guidés par un  berger.

    Tout ce que je dis ne concerne pas évidemment mes amis en lutte, les révoltés et tous ceux qui par leur refus d'être markétirisés ont cessé d'être des agents économiques, tous ceux qui refusent de jouer à un jeu truqué ou l'on perd comme les élections et tous ceux qui sont favorables à l'écriture du constituant unique moyen de restaurer la souveraineté populaire.